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Falmarès

L’Ambassadeur de la paix, Guinéen réfugié en France, a été mis à l'honneur à l'occasion de la seizième édition du festival "Rue des livres" à Rennes (16-17 mars 2024). Il nous présente ici son Catalogue d'un exilé, recueil de poésie publié en 2023 chez Flammarion, mais livre également une analyse de ses origines et de sa nouvelle aventure littéraire et sociale en France.

Entretien réalisé le 17 mars 2024 aux « Cadets de Bretagne » par Mohamed Amine Kacem (médiathécaire et docteur en littérature française moderne et contemporaine).

« Je considère la poésie comme un acte de résistance »

Mohamed Amine Kacem : « Falmarès », d’où vient ce pseudonyme ?

Falmarès : Ce pseudonyme vient d’un ami. Je me souviens, nous étions à l’école primaire quand il m’a appelé Falmarès. À cette époque, je n’étais pas un jeune ou un enfant suffisamment curieux pour demander ce que cela signifiait. Mais c’est un ami qui me l’a donné... en Guinée !

M. A. K. : Vous avez récemment écrit un poème en hommage aux victimes palestiniennes sous le titre « Je suis un poète palestinien ». Titre qui nous rappelle la poésie de Mahmoud Darwich ou encore le journal de bord de Jean Genet, Un captif amoureux, qui revient sur trois séjours de cet auteur en Palestine. Quel rapport existe-t-il entre poésie, exil et résistance selon vous ?

F. : Avant d’écrire ce poème, j’en avais déjà écrit un autre qui s’intitule « Notre Palestine, Aussi a droit à la vie ». Pour moi, c’est une évidence. Ce qui se passe aujourd’hui en Palestine, et plus particulièrement à Gaza, quand on voit les images des enfants et des femmes tuées (parce que c’est le mot) décrit l’atrocité de la guerre. Et je parle de la même atrocité qu’on voit de l’autre côté. Mais la souffrance du peuple palestinien n’a pas commencé cette année. Donc, ça dure depuis plusieurs années, depuis plus de 70 ans ! Et pour moi, il n’y a pas de différence entre la question de l’exil, l’écriture poétique et la résistance car je considère la poésie comme un acte de résistance aussi. Ça l’a été beaucoup, à mon avis, quand il y a eu la Première et la Seconde Guerre mondiales pour des poètes comme René Char et Aragon. Tous ces poètes qui ont résisté par leurs opinions, par leurs idées mais surtout par leurs mots ! Il y a eu beaucoup de poètes de la résistance, comme Mahmoud Darwich en Palestine, mais aussi des poètes de la négritude comme Léopold Sédar Senghor. En ce sens, la poésie a toujours été un acte de résistance. D’ailleurs, les plus beaux textes de ces poètes de la « négritude » ont été écrits en dehors de leur pays. Certaines personnes considèrent d'ailleurs que la poésie de Senghor et celle d’Aimé Césaire ont été écrites en « métropole ». Donc oui, il y a un rapport étroit entre poésie et exil. Même quand on prend l’exemple des Contemplations de Victor Hugo, on découvre que ce recueil de poèmes a été écrit en exil. Et « l’exil, c’est aussi un poème ». C'est ainsi que j’ai mentionné dans Catalogue d'un exilé que tout écrivain est un exilé. Et cet acte d’exil est un acte de résistance, parce qu’on ne choisit pas d’être exilé.

M. A. K. : Le geste d’écriture est-il une façon de dépoussiérer nos racines, de couper avec les clichés qui tournent autour de notre identité, de notre altérité ou plutôt un processus d’enracinement, de quête des sources ?

F. : Je dirais qu’on écrit toujours parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Quand on prend la plume, on peut prendre des positions ou pas ! Nos racines, notre identité, d’où nous venons et qui nous sommes, tout cela est très important. C’est le fondement de notre quête des origines et de l’ouverture sur l’Autre. Après, pour savoir où nous allons, il faut savoir d’abord d’où nous venons. Et pour connaître l’Autre, il faut se connaître soi. Par conséquent, le geste d’écrire est un des actes les plus ouverts au monde parce qu’en écrivant sur et autour de nos racines, on s’ouvre, on se dévoile. Et c’est ainsi que je considère que la meilleure façon de connaître un écrivain est de le lire.

M. A. K. : Écrire, c’est se trahir soi-même pour s’inspirer de la vie des autres, pour écrire sur la vie des opprimés ?

F. : J’ai commencé à écrire en Italie parce que j’ai eu un parcours difficile. Et ce parcours migratoire, d’exilé m’a traumatisé. Je n’arrivais pas à dormir. La lecture m’a aidé à m’endormir. En Guinée, je n’ai pas eu l’occasion de pratiquer la poésie. C’était quelque chose d’inconnu pour moi. J’ai découvert la poésie en France dans les librairies, dans les médiathèques, etc. Et c’est à travers la lecture que j’ai commencé à écrire. Pour moi, écrire n’est pas un acte de trahison de soi mais plutôt une façon de se mettre à la place de l’autre, d’avoir une sensibilité autre, particulièrement par la poésie. Je dirai aussi que la poésie est une expression de nos sentiments ; et de ce fait, l’expression poétique est celle qui traduit au mieux la faiblesse et la fragilité des personnes opprimées. Enfin, elle traite également de la beauté, de la douceur, de l’amour. Elle n’est pas restreinte aux questions sociales.

M. A. K. : La communication sur les réseaux sociaux joue-t-elle un rôle important dans la vie culturelle et médiatique du jeune poète exilé ?

F. : Aujourd’hui, les réseaux sociaux représentent un moyen de communication, de partage d’idées et d’influence incontournable. D’où également l’importance de la communication sur ces réseaux. En ce qui me concerne, cela m’arrive souvent d’écrire un poème et de le partager directement sur les réseaux sociaux. Ce qui me permet de suivre les différentes interactions du public et de lire les commentaires par rapport à ce que j’écris. D’ailleurs, j’ai récemment publié la programmation du festival « Rue des livres » à Rennes sur Facebook, ce qui vous a permis d’organiser cet échange entre nous sur les lieux mêmes où se déroule le festival.

M. A. K. : Que représente la France, cette terre d’accueil, pour vous ?

F. : La France est le pays qui m’a accueilli au moment où j’ai décidé de quitter l’Italie et de venir m’installer à Nantes. En ce qui concerne les raisons pour lesquelles j’ai choisi cette ville, je dirais que cela n’a rien à voir avec mes projets et mes ambitions littéraires. C’était la découverte d’un joueur de football guinéen qui jouait pour le FC Nantes à cette époque-là et qui m’a fait connaître la ville de Nantes. Et quand je suis arrivé, j’ai appris une foule de choses sur l’histoire de la ville et j’ai même écrit sur Nantes, et plus généralement sur la Bretagne. Car la Bretagne est, pour moi, l’une des plus belles régions de France. J’avoue que la France est devenue en quelque sorte mon deuxième pays. Et c'est pour cela que je continue à vivre depuis six ans ici, en France. Et c’est également grâce à mes éditeurs bretons, qui ont fait de moi un poète en me publiant et en me faisant confiance depuis le début de mon aventure littéraire.

M. A. K. : En 2021, vous avez fait partie du jury du festival « Étonnants voyageurs » à Saint-Malo. Vous savez que la Tunisie a été à l’honneur à Saint-Malo en 2022. Avez-vous connaissance de la vie littéraire et culturelle en Tunisie ?

F. : C’était une belle coïncidence. En 2021, j’ai été invité en tant que membre du jury du festival « Étonnants voyageurs » et en même temps en tant qu’auteur invité. Et c’était vraiment une chance de faire partie d’un grand événement littéraire et culturel comme celui-là en France. Ce genre de festivals, comme vous le savez, est ouvert à des cultures variées et diverses. Il s’agit d’un rendez-vous où il est possible de rencontrer des auteurs, des éditeurs et des lecteurs du monde entier. D’où, d’ailleurs, les difficultés qu’on a relevées au moment du choix du lauréat du Prix Ouest-France-Étonnants voyageurs. En tout cas, je garde de très beaux souvenirs de cette expérience. Aujourd'hui, je suis de près via les réseaux sociaux tout ce qui se passe en termes de programmation au festival « Étonnants voyageurs ». J’ai vu aussi que la Tunisie était le pays d’honneur du festival en 2022 et c’est quelque chose qui m’a beaucoup plu. J’essaie de lire des ouvrages des auteurs du Maghreb, algériens et tunisiens. En ce qui concerne la vie littéraire et culturelle en Tunisie, je n’ai pas de connaissance précise sur le sujet mais je sais bien que la Tunisie est un pays connu par sa diversité culturelle et par l’hospitalité de son peuple.

Propos recueillis par Mohamed Amine Kacem. Tous droits réservés.

Bibliographie

Catalogue d'un exilé, Paris, Flammarion, coll. "Poésie", 2023

Syli ô Guinée : livre 1, Conakry, Yigui, 2023

Lettres griotiques, Brec'h, Éditions Les Mandarines, 2021 

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