



Evin Yesilmen
Evin Yesilmen est sophrologue et praticienne en hypnose thérapeutique. Après des études de sciences politiques et relations internationales, elle a approfondi depuis quelques années sa passion pour la psychologie et les relations humaines et a auto-édité en 2022 ce qu'elle désigne comme un recueil d’« explorations poétiques et introspectives » intitulé À la lueur des chants d’ailes. Quand tout s’effondre il reste le sourire de l’âme. Mue par une soif de compréhension de la souffrance individuelle, elle considère que c’est l’investigation profonde de notre vérité essentielle, notamment à travers l’approche non-duelle, qui nous permet de nous révéler à notre nature véritable.
Entretien réalisé par Alexandra Vanden Bossche, experte en stratégie éditoriale et rédaction web.
Evin Yesilmen, À la lueur des chants d'ailes. Quand tout s'effondre il reste le sourire de l'âme, auto-édition, 2022
« Il n'y a pas d'êtres humains qui ne soient aussi des poètes »
Alexandra Vanden Bossche : Quelles sont vos principales sources d’inspiration ? Quels poètes ou écrivains vous ont le plus influencée ?
Evin Yesilmen : Je n’ai qu’une seule source d’inspiration : la Vie. Cela pourrait vous étonner, mais je ne suis pas une grande lectrice de poésie et je n’ai pas un vaste répertoire dans ce domaine. Je ne suis pas certaine de pouvoir me qualifier de poète au sens traditionnel. À l’âge de treize ans, j’avais un petit carnet où j’écrivais quelques vers. En réalité, j’ai toujours aimé écrire, même si je ne le savais pas. Ce n’est que bien des années plus tard, lorsque je suis devenue sophrologue et que j’ai ouvert une page Instagram, que j’ai pris conscience de cette passion enfouie. Au fur et à mesure que j’écrivais des textes liés à la sophrologie, ces derniers prenaient une tournure de plus en plus poétique. C’est en recevant de nombreux retours positifs sur mes écrits que j’ai compris que cela me plaisait réellement. J’avais toujours associé l’écriture aux romanciers et aux auteurs classiques de poésie et de philosophie, qui me semblaient tellement éloignés de moi que je ne me voyais pas dans cette catégorie. Cependant, cette perception a évolué avec mon cheminement spirituel. L’élan d’exprimer ce qui me venait naturellement a pu se réaliser lorsque ma quête pour découvrir ma véritable nature a pris fin, après plusieurs années de travail intensif sur moi-même. Il était devenu évident que partager l’Évidence était essentiel, et le seul chemin qui se dessinait à ce moment-là était l’inspiration poétique, fruit de l’amour pour la Vie. Ce n’était pas moi qui écrivais, mais la Vie elle-même qui me « mandatait » pour s’exprimer. Quant à la forme que cela devait prendre, je l’ignorais, mais il est certain que si un poète a su m’inspirer en ce sens, c’est le grand mystique soufi Jalaladdin Rûmi, dont les écrits ont le pouvoir de me transporter et de transcender mon être.
A. V. B. : Y a-t-il des aspects de votre personnalité que vous explorez particulièrement à travers votre poésie ?
E. Y. : Au moment que j’appelle le « basculement », en 2021, ma perception de la vie a radicalement changé. Je ne ressentais plus de questionnements existentiels, car il m’avait été révélé ce que j’avais toujours été : la Source originelle, la Vie elle-même sous ses multiples formes. Écrire à travers ce prisme signifiait être guidé par cette Source originelle, et ainsi, les messages qui prenaient forme sur le papier traversaient Evin sans mentionner Evin. Ils émergeaient de la Source pour s’adresser à Elle, et donc, ils étaient destinés à tous et toutes. Je n'explore pas seulement un aspect de ma personnalité, mais surtout l’Être dans sa globalité et son Essence profonde.
A. V. B. : Comment utilisez-vous le langage et la symbolique pour créer des images fortes ?
E. Y. : Le seul langage que je privilégie est celui du cœur. Tout ce qui émerge en moi provient de cette connexion profonde avec un grand Tout qui transcende le mental. Lorsque des images se présentent à moi, elles sont souvent inspirées par la nature, le cycle du jour et de la nuit, l’infinité du ciel et la majesté des océans. Ces éléments naturels parlent à chacun et chacune d’entre nous et, à travers eux, il est aisé de transmettre des visions de paix et de plénitude. En effet, la beauté des paysages, la douceur des vagues ou encore l’immensité des cieux évoquent des sentiments universels qui résonnent en chacun, nous rappelant notre place dans l’harmonie du monde. Ainsi, par ce langage du cœur, je cherche à établir un lien authentique et profond avec ceux qui reçoivent mes mots, afin de partager cette expérience de sérénité et d’émerveillement.
A. V. B. : Quelle importance accordez-vous à la musicalité et au rythme dans votre poésie ?
E. Y. : C’est un aspect fondamental pour moi. Je pense qu’un texte n’atteint sa pleine réalisation que lorsque le rythme et la musicalité s’harmonisent en moi, créant une sorte d’accord intérieur, une résonance qui fait écho à l’harmonie générée par l’assemblage des mots. C’est comme une voix intérieure qui chuchote un « oui » plein de certitude. Cette musicalité influence également la structure de mes écrits : parfois ils sont concis et percutants, d’autres fois ils s’étendent en longues réflexions. Il m’arrive même de me retrouver face à un texte dont le sens m’échappe, comme si j’avais été guidé par une force supérieure, laissant les mots s’exprimer au-delà de ma propre compréhension. C’est dans cette alchimie entre les mots et leur sonorité que je trouve une véritable magie poétique.
A. V. B. : Comment considérez-vous la relation entre la poésie et les autres formes d’art (théâtre, danse, arts visuels) ?
E. Y. : Pour moi, tout est intimement lié, tout est interconnecté. Chaque forme d’art représente une manifestation de la poésie, s’exprimant à travers des langages et des médiums variés. Le théâtre, par exemple, utilise les mots et le corps pour raconter des histoires qui touchent l’âme, tandis que la danse communique des émotions et des récits à travers le mouvement. Les arts visuels, quant à eux, capturent des moments et des sentiments en une image, transcendant souvent les mots. C’est grâce à notre regard empreint de poésie que l’art peut véritablement s’épanouir. En vérité, il n’y a pas d’artistes, et je dirais même qu’il n’y a pas d’êtres humains, qui ne soient aussi des poètes. Chacun, à sa façon, s’efforce d’exprimer des vérités profondes et des émotions universelles, mettant ainsi en lumière la beauté et la complexité de l’expérience humaine.
A. V. B. : Comment pensez-vous que la poésie puisse contribuer à la guérison personnelle ou collective ?
E. Y. : La poésie représente un refuge pour le cœur, un espace où il peut se reposer en lui-même. Tout ce qui incite à l’expression de notre être profond constitue une forme de guérison, et cela s’applique à toutes les formes d’art ainsi qu’à tout acte créatif. Je ne fais pas référence ici à une guérison physique ou corporelle, mais plutôt à la guérison de l’âme. Ce n’est pas une guérison dans l’idée que l’âme serait malade et aurait besoin de se soigner, mais plutôt qu’elle retrouve son essence originelle, loin des tourments de l’esprit et des tumultes du monde. Bien sûr, ce retour à soi peut aussi s’accompagner d’une forme de guérison corporelle, mais cela ne constitue pas une règle que nous pouvons contrôler.
A. V. B. : Comment percevez-vous l’évolution de la poésie dans notre société moderne et digitale ?
E. Y. : Je ne suis pas certaine de la manière dont la poésie évoluera dans sa forme, mais il est clair qu’elle ne disparaîtra pas. La poésie est profondément ancrée dans l’essence même de l’Amour, et sans Amour, il n’existe pas de vie véritable. Dans notre société moderne, où la technologie et le numérique prennent une place prépondérante, la poésie pourrait se transformer en intégrant de nouveaux médias et de nouvelles plateformes. Les réseaux sociaux, par exemple, offrent un espace unique pour partager des vers et des réflexions poétiques instantanément, touchant un public plus large. Cependant, même avec ces changements, l’âme de la poésie – son pouvoir d’émouvoir, de rassembler et de transcender les expériences humaines – demeurera. La poésie continuera à être un moyen d’expression essentiel, capable de capturer les nuances de la condition humaine, qu’elle soit écrite sur du papier ou partagée à travers des écrans. Ainsi, même dans un monde en constante évolution, la poésie trouvera toujours des façons de se renouveler tout en restant fidèle à son essence.
A. V. B. : Quels sont vos projets ou aspirations pour l’avenir de votre carrière poétique ?
E. Y. : Depuis la libération que j’ai vécue en 2021, une chose a véritablement changé : c’est l’art de me laisser porter par ce qui se présente et d’accueillir ce que la Vie met sur mon chemin. Je ne sais pas si je continuerai à écrire à l’avenir, mais j’ai déjà suffisamment de textes pour envisager la publication d’un ou deux livres supplémentaires. En ce qui concerne le succès, je ne lui accorde pas une importance démesurée, du moins pas dans le sens traditionnel que lui attribue la société. Pour moi, le succès se savoure chaque jour lorsque la Vie me permet d’exprimer sa Beauté et de la partager avec les autres. Je n’attends rien. La vie est une palette d’émotions à explorer, et nous les ressentons tous, peu importe notre statut : riche ou pauvre, célèbre ou anonyme, en couple ou célibataire, homme ou femme, employé ou au chômage. Nous sommes tous logés à la même enseigne. Le véritable défi réside dans notre capacité à laisser ces émotions nous traverser à chaque épreuve, tout en restant connectés à notre Paix intérieure.
Propos recueillis par Alexandra Vanden Bossche. Tous droits réservés.