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L'École sous emprise

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Près de vingt ans après La Fabrique du crétin, qui fut suivi de plusieurs autres essais sur le système éducatif, Jean-Paul Brighelli analyse, dans L'École sous emprise, l'influence des "réseaux infiltrés du fanatisme" sur les enseignants, les programmes scolaires ou encore les résultats des élèves français. Un livre tranchant et incisif, au prix (hélas) de nombreux raccourcis.

Jean-Paul Brighelli, L'École sous emprise, Paris, L'Archipel, 2024

190 pages, 19 €

Brighelli ou la philosophie dans le foutoir ?

Auteur en 2005 de La Fabrique du crétin - qui fit dans la sphère éducative l'effet d'un brûlot -, adversaire bien connu de ceux qu'il appelle les "pédagogistes" (Philippe Meirieu en tête), membre du jury de CAPES de lettres modernes avant de devoir démissionner puis d'y être réintégré, Jean-Paul Brighelli n'a pas pour habitude ni pour volonté de passer inaperçu. Dans son nouvel essai (qui a tout du pamphlet, dans le fond comme dans la forme), l'auteur entreprend de décortiquer ce qu'il analyse comme étant le problème central de l'Éducation nationale aujourd'hui : la présence de plus en plus prégnante des "réseaux infiltrés du fanatisme". 

Adoptant un plan de type analytique, Brighelli s'efforce à la fois de décrire le phénomène, d'en expliquer les causes et d'y apporter des solutions. Or, avouons-le tout de go : ce qui fait la supposée force de cet ouvrage est également sa principale faiblesse. À travers un propos qui se veut simple et sans filtre, l'argumentation est extrêmement morcelée et, en vérité, pour le moins contestable - et ce dans les trois étapes (qui d'ailleurs s'entremêlent étrangement). De fait, le lecteur comprend vite que l'ouvrage est avant tout de type polémique. Ainsi les sources utilisées par l'auteur pour appuyer son propos sont-elles souvent superficielles (vagues références à tel ou tel auteur), voire franchement peu solides pour prétendre bâtir une réflexion digne de ce nom (ainsi des fréquents renvois à des vidéos YouTube)... quand elles ne se distinguent pas par l'excès de leur volume (ainsi Brighelli retranscrit-il mot pour mot l'intégralité d'articles de presse précédemment écrits par d'autres ou par lui-même, ce qui laisse la fâcheuse impression d'un propos allant se répétant ad libitum, quand il ne cherche pas d'argument d'autorité). La métaphore est souvent maniée avec assez peu de subtilité, voire de goût, et ne serait certes pas reniée par Michel Houellebecq, qui a cependant pour lui la spécificité de faire œuvre littéraire... ce qui n'est pas le cas ici ; que penser, par exemple, du fait que l'idéologie des Frères musulmans soit comparée aux "maladies nosocomiales : elles fuient les organismes sains pour infester les malades" (comprendre : la France) ? Si le fond du propos est déjà en partie contestable, le lecteur apprécierait certainement, de la part d'un agrégé de lettres prônant le retour de l'exigence comme condition sine qua non du redressement de l'École, une langue plus travaillée. Le raisonnement, pour sa part, emprunte trop souvent la voie du règlement de comptes, soit contre un penseur dont l'importance n'est plus à démontrer (Rousseau, en l'occurrence, dont l'Émile mais également les Confessions semblent avoir brûlé les yeux de Brighelli), soit envers des Universitaires que l'auteur a du mal à traiter avec le respect dû à leur grade ("Je n'ai rien personnellement contre Médéric Gasquet-Cyrus - AMU est une fac pleine de demi-pointures"). Autant d'errances qui, en définitive, affaiblissent le propos au lieu de le soutenir - sans parler des truismes ("parions que Samuel Paty ou Dominique Bernard parlaient un bon français. [P]arions que le français des frères Kouachi était aléatoire") ou des raccourcis béants qui ont pour don (?) de laisser le lecteur pantois ("Vous avez voulu libérer la parole des élèves ? Vous aurez la charia"). 

Hormis ces quelques considérations préalables et si l'on prend en compte le fond du propos, il apparaît que, pour Jean-Paul Brighelli, le tableau offert par l'École est aujourd'hui bien sombre. Le constat est amer : aucune loi portant sur le monde éducatif n'échappe aux foudres de l'auteur, à commencer par la "loi Jospin" du 10 juillet 1989, créatrice selon lui non seulement d'une "surnotation", d'une "inflation des mentions" et d'une "dévaluation finale du diplôme [du baccalauréat]" mais surtout d'une porte ouverte à "l'extériorisation excessive" des appartenances religieuses ou culturelles. La liberté d'expression et la défense de ses opinions personnelles, de plus en plus mises en avant dans le système éducatif français, sont accusées d'être le cheval de Troie de tous les problèmes ultérieurs (tout en en étant précisément l'expression), à commencer par le "relativisme culturel", le "communautarisme", le "décolonialisme" et l'"indigénisme" - le tout sur fond d'une "massification" des élèves primo-arrivants. Mais l'analyse ne s'arrête pas là, et considère également comme déterminantes l'ambiguïté perpétuelle entre le culturel et le cultuel ainsi que la confrontation mal assumée entre le "moi" des adolescents et le monde extérieur. Dans les deux cas, en effet, il y aurait déficit manifeste dans la construction de la nation, ce qui est précisément un des buts premiers de l'École telle que conçue par l'auteur : "ainsi se construit un grand peuple". 

S'intéressant aux causes de ce naufrage, Jean-Paul Brighelli est des plus inspirés, à défaut d'être réellement disert : les responsabilités se multiplient, depuis ce qu'il nomme "la culture de l'excuse que l'on cherche à nous imposer", dans laquelle "tout est handicap, tout est prétexte", jusqu'à celle d'une immigration mal contrôlée, en passant par les plus vagues (l'Europe), les plus fantaisistes (le confinement), les plus contestables (les universitaires), les plus techniques (les lois successives sur l'École) et les plus apeurées (la prédominance des femmes parmi le corps enseignant). Chacun appréciera selon ses opinions personnelles. 

Face à tout cela, que faire ? L'auteur livre avant tout des pistes très générales, sans entrer dans aucun détail d'ordre technique (mais était-ce vraiment là le but de l'ouvrage ?). Le credo premier est celui d'une École de l'intégration, laquelle pourrait passer notamment par un démantèlement des ghettos ; Brighelli n'hésite pas, notamment, à évoquer ce qu'il nomme une "ventilation démographique" dans la "diagonale du vide" des personnes "qui s'y entassent". Plus généralement, il engage à défendre la langue française, la philosophie des Lumières (à l'exception de Rousseau) et les principes de l'autorité républicaine (rien de très original ni de très novateur, en définitive). À noter, en particulier, l'acceptation du principe des "classes de niveau" pratiqué depuis peu et destiné à s'étendre à la rentrée 2025. 

Que penser, donc, de ce pamphlet, sinon qu'il a les mérites et les limites du genre ? Si certains questionnements sont justes et certaines considérations difficilement réfutables, il n'en demeure pas moins que Jean-Paul Brighelli, par la hiérarchie qu'il n'hésite pas à instaurer entre différentes formes de religion ou de culture ainsi que par certaines considérations proprement aberrantes eu égard à la réalité - ainsi de l'épidémie de Covid, qui n'aurait "touché ni les élèves ni les enseignants [sic]" - rend souvent son propos difficilement audible, y compris pour le lecteur qui serait, au départ, le plus propre à adhérer à ses thèses. 

Benoît Abert. Tous droits réservés.

"Proviseurs et enseignants (trop souvent) font semblant de ne rien voir - en s'abstenant toutefois d'aborder en classe les sujets qui fâchent : hier c'était Darwin ou la Shoah, désormais c'est le conflit israélo-palestinien."

"La nature a horreur du vide. Ces aberrations abominables se sont introduites dans les cerveaux des jeunes parce qu'on n'y avait pas installé préalablement les notions élémentaires les plus solides : une langue exigeante et non le brouillamini postillonné par les banlieues ; des certitudes scientifiques cohérentes et en perpétuel devenir, ce qui distingue la science de la foi - je doute donc je suis ; [...] et des habitudes de travail, de discipline, d'obéissance, gages de leurs futurs succès, au lieu du laisser-faire et du laisser-dire qui leur garantissent de splendides échecs."

"Avec un petit mot de trois syllabes, Gabriel Attal, en septembre 2023, a occulté tout ce qui, dans l'École, pose réellement problème. Il a aussi fragmenté l'opposition, marqué sa différence avec son prédécesseur et s'est imposé comme champion de la laïcité pure et dure. Et si l'abaya était le petit doigt qui cache la forêt ? [...] [I]l reste bien des chantiers autrement importants dans l'Éducation nationale - entre autres réinventer l'enseignement de l'Histoire de façon à faire des Français, et non une mosaïque d'opinions divergentes."

"Les Frères [musulmans] sont loin d'être idiots et ont très bien analysé la société française, dont le 'multiculturalisme' fait éclater l'intégrité originelle. Ils ont déterminé que l'École était aujourd'hui son point faible : la déperdition de matière grise, la collaboration d'enseignants islamo-gauchistes - ou simplement collaborateurs, la dhimmitude étant une tendance innée chez les partisans du 'pas de vague' - et le relativisme culturel ont causé un effondrement [...] de ce qui fut jadis le principal levier de la laïcité et de l'intégration dans la nation française."

"L'Hégire [...] ne marque pas un départ de l'Histoire, mais son abolition. Allah a le temps, il est le temps, et ses sectateurs aussi. Un temps cyclique, refermé sur lui-même comme un trou noir. L'islam nie le temps qui passe."

"Comptez les prix Nobel musulmans... et comptez les prix Nobel juifs. La judaïté est une culture, pas une impasse."

"À la base, la fonction actuelle de l'enseignement de l'ignorance, selon la belle formule de Jean-Claude Michéa, c'est d'aider Tariq Ramadan, les Frères musulmans et l'Internationale woke à vendre leurs produits. Et pour cela, nous leur fournissons du temps de jeune cerveau humain disponible."

"Posons d'emblée une question qui fâche : combien de [Français] aujourd'hui - j'entends, de gens qui vivent [en France], qu'ils y soient nés ou non - seraient prêts à mourir pour la France ? Combien pour réciter ces vers de Corneille : Mourir pour la pays est un si digne sort / Qu'on briguerait en foule une si belle mort. (Horace, II, 3) Combien pour résister comme les acolytes de Manouchian ?"

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